La région du Darién, située entre la Colombie et le Panama, est l’un des endroits les plus dangereux et difficiles pour les migrants en quête d’une vie meilleure en Amérique du Nord.
La traversée de cette jungle inhospitalière est semée d’embûches. Épuisés, dénués de tout, devant faire face à tous les dangers, ils fuient la guerre ou la misère sur le chemin de la dernière chance.
Les migrants font face à la violence, aux conditions sanitaires précaires et à un manque cruel d’aide humanitaire. Entre septembre 2022 et mars 2023, le photographe colombien Federico Rios Escobar a documenté avec force les conditions de vie de ces déracinés tentant la difficile traversée de la région du Darién.
Son travail est aujourd’hui récompensé par un Visa d’Or humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Créée en 2011, la distinction récompense une fois par an un photojournaliste professionnel ayant couvert une problématique humanitaire en lien avec un conflit armé ou une autre situation de violence.
Le photoreportage « La région du Darién : le chemin de la dernière chance » a été réalisé avec la journaliste Julie Turkewitz, cheffe du bureau des Andes pour le New York Times.
Federico Rios Escobar recevra officiellement son prix le 6 septembre prochain à Perpignan lors de la 35ᵉ édition du festival international de photojournalisme « Visa pour l’Image ». Son travail y sera exposé du 2 au 17 septembre 2023 à Perpignan avant de rejoindre Paris à l’automne.
Le Darien Gap : une route migratoire périlleuse en Amérique centrale
Le Darién, aussi appelé « Bouchon Darién » ou « Darién Gap », est une zone de jungle dense et marécageuse située entre le Panama et la Colombie, qui s’étend sur environ 160 km. Cette région est la seule interruption de la route Panaméricaine, qui relie l’Amérique latine à l’Amérique centrale. C’est une zone difficile d’accès où règnent l’insécurité et la violence, notamment en raison de la présence de groupes armés non étatiques et de trafiquants de drogue.
Depuis des années, le Darién est devenu une route migratoire prisée par les migrants et réfugiés venus d’Haïti, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie, qui espèrent atteindre les États-Unis ou le Canada. Ils passent d’abord par la frontière Colombie-Panama pour traverser la jungle, souvent avec l’aide de passeurs. Toutefois, les dangers pour les migrants sont nombreux dans cette région : violence, exploitation, maladies et accidents mortels.
Les enfants sont particulièrement vulnérables dans cette traversée. Une estimation faite par le New York Times en 2022 indiquait que plus de 2 000 enfants non accompagnés avaient été recensés par les autorités panaméennes dans la région du Darién, et ce nombre ne cesse d’augmenter.
Photo Federico Rios Escobar Visa d’Or humanitaire du CICR 2023
La situation sanitaire et humanitaire critique des migrants
La traversée du Darién est marquée par des conditions sanitaires et humanitaires extrêmement précaires. Les migrants doivent marcher pendant des jours, voire des semaines, dans des conditions climatiques difficiles, sans accès à l’eau potable, à la nourriture ou à des abris convenables.
Les villages situés dans la jungle du Darién, comme Bajo Chiquito et Cañan Membrillo, accueillent des milliers de migrants chaque année. Les habitants de ces villages sont dépassés par l’afflux massif de migrants et les infrastructures locales sont insuffisantes pour répondre à leurs besoins. Par conséquent, les migrants vivent dans des conditions d’hygiène déplorables et sont exposés à diverses maladies telles que la diarrhée, la dengue et le paludisme.
Les organisations humanitaires telles que MSF (Médecins Sans Frontières) et la Croix-Rouge interviennent dans la région pour fournir une aide médicale et humanitaire aux migrants. Toutefois, leur présence est limitée en raison de la difficulté d’accès à la zone et des risques liés à la violence armée.
Photo Federico Rios Escobar Visa d’Or humanitaire du CICR 2023
Les motivations des migrants pour traverser la jungle du Darien Gap
Malgré les dangers et les difficultés liés à la traversée du Darién, les migrants et les réfugiés sont prêts à prendre ce risque pour échapper à la violence, à la pauvreté et à l’instabilité dans leur pays d’origine. Les migrants haïtiens, par exemple, fuient la crise politique et économique qui sévit en Haïti depuis des années, ainsi que les conséquences dévastatrices du tremblement de terre de 2021.
La plupart des migrants voient la traversée du Darién comme leur seule chance d’atteindre les États-Unis ou le Canada, où ils espèrent trouver une vie meilleure pour eux et leur famille. Même s’ils sont conscients des dangers de cette route, ils sont prêts à tout pour échapper à leur situation actuelle.
Federico Rios Escobar : les efforts pour améliorer la situation des migrants dans le Darién
Face à la crise humanitaire qui se déroule dans la jungle du Darien Gap, plusieurs organisations et acteurs locaux tentent de venir en aide aux migrants. Cependant, leur intervention est entravée par le manque de ressources et la difficulté d’accès à la région. Les gouvernements panaméen et colombien ont également mis en place des mesures pour faciliter la prise en charge des migrants et réfugiés dans la région, notamment en renforçant la présence de la Croix-Rouge et en créant des centres d’accueil temporaires.
Cependant, ces efforts restent insuffisants face à l’ampleur de la crise et il est essentiel que la communauté internationale prenne conscience de la situation désastreuse des migrants dans la région du Darién et s’engage à apporter un soutien concret et durable à ces personnes vulnérables.
« Ces histoires que nous racontons doivent inviter à discussion et à réflexion. C’est ce que nous, photojournalistes qui travaillons sur des sujets humanitaires, recherchons, pour mettre face à leurs responsabilités, les décideurs et les gouvernements. Qu’ils mettent en place des mesures concrètes pour aider toutes ces personnes. » Federico Rios Escobar.
