A une époque où s’inventait le photojournalisme, Gerda Taro photographiait la tragédie de la guerre d’Espagne. Elle créait une œuvre pionnière, avant de perdre la vie tragiquement, à la veille de ses 27 ans. Sur sa tombe au cimetière du Père-Lachaise à Paris (Division 97, avenue circulaire, ligne 3), le visiteur peut lire l’inscription :
« Afin que personne n’oublie ta lutte inconditionnelle pour un monde meilleur. »
Ses photographies expriment la folie des hommes, la douleur de la guerre mais aussi l’idéal de fraternité et l’espoir d’un monde meilleur.
Pourtant celle qui fut l’alter ego de Robert est longtemps restée dans l’ombre de Capa. Taro n’a pas seulement contribué à inventer l’un des photographes les plus célèbres du monde. Elle a été d’une certaine façon lui.
Son nom, disparu de la mémoire collective, a récemment resurgi des limbes de l’oubli grâce à plusieurs ouvrages. France 5 diffusera le vendredi 25 juin à 22h20 un documentaire de Camille Ménager intitulé « Sur les traces de Gerda Taro ».
De l’Allemagne hitlérienne, aux combats désespérés de la République Espagnole, en passant par la bohème parisienne de l’entre-deux-guerres, le documentaire retrace la courte vie de celle qui a traversé toute la grande histoire de la première partie du XXe siècle.
Le documentaire de Camille Ménager retrace avec délicatesse le destin tragique de cette jeune d’allemande d’origine polonaise, trop vite oubliée.
Gerda Taro, une personnalité restée dans l’ombre
Nous sommes en août 1936. Un petit avion en provenance de Paris s’écrase dans la banlieue de Barcelone. Par miracle, l’accident ne fait pas de victime. L’avion comptait à son bord deux photographes qui allaient bouleverser à jamais la manière de raconter la guerre.
Dès le début de la guerre d’Espagne, Taro et Capa suivent les combats des Brigades internationales aux côtés des combattants républicains, comme photographes de guerre. Il sont les envoyés spéciaux des magazines Vu de Lucien Vogel et Regards.
Alors qu’ils signent leurs photos de leurs deux noms, Capa y gagne une reconnaissance mondiale tandis que le travail de Taro reste dans l’ombre. Elle décide de le quitter pour couvrir le bombardement de Valence et vendre son travail sous son seul nom. Elle devient la première femme photographe à mourir dans un conflit. Après ses obsèques à Paris, elle sera petit à petit largement oubliée par l’histoire.
Pour François Maspero « Elle a subi le plus cruel destin que puissent connaître les ombres : celui de ne même pas être sa propre ombre, mais celle d’un autre. Morte et pis encore, peut-être : lentement disparue ensuite au fil du temps, happée par cette nuit de mémoire dont, il y a trois mille ans déjà, Homère disait qu’elle est plus terrible que la mort ».
Pourtant les deux personnalités sont si intiment liées qu’il est difficile de les séparer, de savoir qui est qui, qui a fait quoi, et ce que signifie être photographe.
Une affaire personnelle
Auparavant, les photographes prenaient leurs clichés avant ou après une bataille, mais Taro et Capa travaillaient au cœur de l’action. Ils se sont mêlés aux combattants et ont couru sous les tirs pour prendre leurs photos. C’était radical, inédit, et sans doute un peu fou. Mais pour eux, l’affaire était personnelle.
Taro et Capa avaient tous deux des origines juives. Tous deux ont vécu en Allemagne dans les années 1920 et 1930, où ils ont assisté à la montée du parti nazi. Tous deux ont souffert de l’antisémitisme, ce qui les a contraints à quitter l’Allemagne et à s’installer en France peu après l’arrivée d’Hitler au pouvoir.
Tous deux ont fait partie d’un exode massif d’Allemagne. Il était un jeune photographe originaire de Hongrie, elle travaillait pour une agence photo.
Ils ont mis leur vie en danger parce qu’ils croyaient en cette cause. La célèbre phrase de Robert Capa « Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c’est que vous n’êtes pas assez près » ne concernait pas seulement la proximité physique, mais aussi la proximité émotionnelle. Taro et Capa ont vécu et travaillé selon cette conviction et les valeurs des miliciens qu’ils suivaient.
Gerta avant Gerda, Endre avant Robert
Taro fait la connaissance d’un jeune photographe d’origine hongroise, Endre Ernő Friedmann. A partir de 1935, ils travaillent ensemble et entretiennent une relation amoureuse. Elle est assistante dans une agence photo. Lui souhaite vivre de ses photos, mais les rédactions ne paient pas beaucoup.
Leur carrière ne décolle pas jusqu’au jour où un audacieux stratagème va propulser la carrière de Friedmann. En effet, elle invente pour lui le personnage du « photographe américain » et lui donne le pseudonyme de Robert Capa, en hommage au réalisateur américain Frank Capra. Pour elle-même née Gerta Pohorylle, elle choisit celui de Gerda Taro, en clin d’œil à l’actrice américaine Greta Garbo.
La carrière de Capa n’aurait pas été possible sans la contribution de Taro. Non seulement elle a réalisé des images, mais elle a également fourni bon nombre de leurs premiers contacts dans le monde de l’édition et de la photo. Les avantages étaient réciproques : à un rythme rapide et sur le terrain, Taro a appris de Friedmann le métier de photographe. À ce jour, on ne sait toujours pas lequel d’entre eux a pris telle ou telle photo.
La photographie comme exutoire
La photographie est devenue un exutoire pour le couple, le moyen qu’ils avaient trouvé pour dissimuler leurs origines juives, leurs pays d’origine et jusqu’à leur âge. Les photos qu’ils prenaient, révolutionnaires pour l’époque, leur permettaient de revêtir une autre identité.
Indépendante et désinvolte, la jeune allemande vivait sa vie très librement, au mépris des conventions sociales de son temps. Les quelques photographies qui existent d’elle montrent une jeune femme aux traits fins, aux cheveux courts, au visage souriant parfois, sérieux souvent. Ces clichés laisse transparaître la farouche détermination dont elle a fait preuve pour rapporter des photos toujours au plus près du danger.
En 1937, Taro est morte au combat, écrasée par un char républicain alors qu’elle battait en retraite devant les forces franquistes. Après une mort très médiatisée, la plupart de ses photos ont été discrètement réattribuées à Robert Capa. Capa, qui a ensuite couvert de nombreux autres conflits, a été reconnu comme le pionnier de la photographie de guerre.
A l’annonce de son décès, les hommages se multiplient. André Chamson dira « Elle portait en elle le génie de Madrid qui est fait d’un sourire de femme et d’un cœur de héros. »
Pour Léon Moussinac, « Son oeuvre (…) ne cessera (…) de servir encore cette cause de la liberté pour laquelle elle est tombée, parmi les soldats, comme un soldat. »
Pour René Blech « Courage dans la simplicité sans effet, sans geste ».
Tristan Tzara déclamera « Morte dans l’exercice de sa profession. Mais la profession, pour elle, ne consistait pas dans une activité mécanique et aveugle. C’était, dans la plénitude de ses moyens, la passion réfléchie au service d’une humanité nouvelle ».
Diffusion le vendredi 25 juin à 22h20 sur France 5
Réalisé par Camille Ménager
Produit par Brotherfilms
Producteurs : Emmanuel François et Alice Mansion
Avec la participation de France Télévisions
Avec la participation du CNC et le soutien de la PROCIREP – ANGOA
Montage : Lionel Delebarre
Musique originale : Lou Rotzinger
Image : Thibault Delavigne
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